Qu’est-ce qui fait la valeur d’un produit ou d’un service ? Son utilité bien sûr. C’est la valeur d’usage, ce que la personne va faire avec ce produit. Il y a aussi la valeur globale, qui est constituée par l’ensemble des usages possibles du produit, et non pas simplement du cas d’usage d’une personne en particulier. Mais il y a une troisième valeur qui est tout aussi importante et souvent ignorée par les startups : c’est sa valeur sociale, la façon dont le produit va renforcer votre position sociale.

Au delà du savoir faire, cette valeur sociale est le différenciateur des grandes marques. Que ce soit une marque de vêtements, de voitures ou de high-tech, une grande partie de leur valeur est le renforcement de notre image qu’elles nous procurent face à nous-mêmes et face aux autres.

La valeur sociale est particulièrement évidente dans l’industrie du luxe. Certaines voitures sont vendues beaucoup plus cher, et avec des marges beaucoup plus élevées, car le renforcement du statut social qu’elles procurent est beaucoup plus élevé. De la même manière les marques de vêtement passent dépensent beaucoup d’énergie à s’assurer que leur valeur sociale soit bien établie et corresponde à leur cible de clientèle.

Cette valeur sociale est également présente dans l’industrie des services. Par exemple certaines personnes vont choisir la banque postale ou une banque « prestigieuse » non pas sur des critères objectifs, mais uniquement parce que celle-ci correspond à l’image sociale qu’ils veulent renvoyer. En tant qu’ancien consultant, je sais aussi très bien que le choix d’un cabinet de conseil pour certains clients est plus une affaire d’image qu’autre chose ; peu l’admettront, mais ils veulent montrer qu’ils peuvent se payer McKidney ou Boson Consulting Goop.

Au fond, c’est complètement con. C’est une illusion totale. De nombreuses voitures « normales » sont aussi bonnes, voire meilleures que les voitures de très grand luxe, parce que elles sont produites en plus haut volume et peuvent ainsi bénéficier d’un meilleur développement. De nombreux cabinets de conseil avec une image « haut de gamme » vont juste envoyer des analystes très intelligents mais sans expérience. Mais le fait est là : nous ne voulons pas admettre que la publicité nous influence alors que c’est clairement le cas, et nous ne voulons pas admettre que nous prenons des décisions irrationnelles basée sur la valeur sociale alors que c’est clairement le cas.

Pourtant, obnubilées par leur idée géniale trop de Startups oublient de développer cette valeur sociale ; et ce n’est pas parce qu’on crée une startup qui utilise les réseaux sociaux que l’on crée automatiquement cette valeur sociale ! Un exemple emblématique est le Segway. Ses concepteurs étaient tellement persuadés du côté génial et révolutionnaire de leur moyen de transport qu’ils n’ont pas vu que celui-ci avait une valeur sociale négative, celle de vous donner une image de zozo.

Google Glass a également souffert d’une valeur sociale négative. En caricaturant, il a suffi d’une photo de Robert Scoble sous sa douche pour que Google Glass soit classé dans la catégorie « produit pour les geeks débiles ». Dans le cas de Google Glass ce déficit de valeur sociale peut être compensé par la valeur d’usage, et l’initiative de Google de relancer Google Glass pour des marchés professionnels de niche est probablement la bonne stratégie.

Au fil du temps la valeur sociale d’un produit peut évoluer. Par exemple dans les années 80 la valeur sociale d’un ordinateur était négative. En posséder un et en utiliser un vous classait dans la catégorie des « geeks » et à l’époque le terme n’était pas positif du tout. Mais petit à petit sa valeur d’usage, sa banalisation et la « dégeekisation » de son image par des marques comme Apple ont augmenté sa valeur sociale jusqu’à la rendre positive.

Enfin la valeur sociale seule n’est pas suffisante non plus. Le produit ou le service doit avoir une valeur d’usage et une valeur globale suffisantes. Vertu, la marque de téléphones de luxe, en a fait les frais : en admettant que la valeur sociale de la marque était positive (ce qui n’est pas certain), la valeur d’usage de leurs produits était trop faible.

Alors vous pouvez me croire ou non. Mais si le produit ou le service de votre startup n’a pas de valeur sociale suffisante il aura beaucoup de mal à prendre son envol, et dans ce cas il vaut mieux vous adresser à des marchés professionnels de niche où cette valeur sociale a moins d’importance.