J’ai découvert l’informatique par une belle matinée de 1984. Je n’avais d’yeux que pour cette merveilleuse machine toute de blanc vêtue achetée par mes parents : un Apple //c. À l’époque, le Macintosh venait juste de naître, mais il coûtait encore beaucoup, beaucoup trop cher, et surtout l’Apple II était encore une machine très très populaire. Pourtant, d’une certaine manière il était déjà dépassé ; par exemple les machines comme le Commodore 64 faisaient tourner des jeux avec de meilleures couleurs. En comparaison, les graphismes de l’Apple II étaient encore handicapés par un système de représentation des couleurs un peu bizarre hérité de l’époque où le coût de la mémoire était prohibitif.

Je ne regrette nullement d’avoir démarré sur cette machine qui, comparée au Mac, était une sorte d’antiquité, pour deux raisons simples :

  1. Il y avait des jeux. Beaucoup, beaucoup de jeux.
  2. Contrairement au Macintosh, programmer un Apple II était accessible à tous.

Mon Apple //c n’était pas parfait. Le lecteur de disquettes c’était… très lent et très fragile. Mais c’était mille fois mieux que le lecteur de cassettes d’un Commodore 64 (oui, oui, les programmes étaient distribués sur des cassettes, les mêmes que les cassettes audio). Le truc le plus agaçant était que la prise casque sur le côté gauche avait une satanée habitude de se charger en électricité et de donner des petites décharges électriques de temps en temps lorsque je la touchais :D. J’imagine que c’était pour me garder éveiller lors des longues sessions de jeu.

Depuis, j’ai pratiquement toujours utilisé des ordinateurs Apple, sauf pendant les années 90 où seuls les PC offraient les jeux à la mode (la période des Intel 286-486). Wing Commander, Monkey Island, Ultima Underworld, ces trésors n’étaient disponibles que sur PC. PC qui ne réussissait à initialiser la mémoire étendue au démarrage qu’une fois sur deux environ ; lorsque je n’avais pas de chances, il fallait que je redémarre la machine plusieurs fois jusqu’à ce que ça marche. Pourquoi ? Mystère, je n’en ai jamais trouvé la raison. Mon passage du côté obscur était aussi pour des raisons professionnelles : les PC régnaient en maître en entreprise. Mon métier de consultant développeur, à l’époque où le développement « custom » et le client-serveur régnaient en maîtres, m’obligeait à utiliser un PC. Chose impensable aujourd’hui, les ordinateurs étaient attribués au compte-goutte. Il m’avait fallu attendre 2 semaines sur mon premier projet pour avoir un ordinateur fourni par le client (mon développement était censé durer 2 semaines…) Lorsqu’il me fournit l’ordinateur, sa version de Windows NT était… en allemand. J’avais fini par m’y retrouver en connaissant quelques mots et par la position des commandes dans les menus. Heureusement, le compilateur C++ était, lui, en anglais.

Si aucun PC ne m’a laissé de souvenir impérissable, certains des ordinateurs Apple que j’ai possédés m’ont plus marqué que d’autres. Voici lesquels.

  1. Le Macintosh SE. Le premier Mac acheté par mes parents. Celui sur lequel j’ai appris à programmer en Think Pascal. Il m’a aussi servi à rédiger mon mémoire de fin d’études. Qu’est-ce que j’étais content d’avoir fini l’école ; rester assis à écouter quelqu’un parler, ça a toujours été une véritable torture pour moi. À la place s’ouvrait à moi le champ infini et excitant les cinq premières minutes des réunions de consultant en entreprise.

  2. Powerbook Duo 210. Mon tout premier ordi vraiment « à moi ». À vrai dire, c’était plutôt un PowerBook Mono, car je n’avais pas les moyens d’acheter la station d’accueil géniale, mais bien trop chère. J’avais juste l’adaptateur pour lecteur de disquettes. C’est aussi le premier ordinateur que j’ai connecté à internet. C’était la belle époque de la découverte d’internet, du web avec Yahoo et de l’email avec un client mail dont j’ai oublié le nom et Claris Mail. Armé d’un modem 28k, il fallait parfois 30 minutes pour charger une image. Il fallait aussi plusieurs minutes pour ouvrir un JPEG depuis le disque dur tellement cela demandait de puissance au processeur !!! C’est aussi la machine sur laquelle j’ai conçu mon premier site web, en 1996, à la grande époque des frames, pour un petit magazine local d’escalade. Comme mon écran était en noir et blanc, je ne voyais pas les couleurs. Je pensais avoir tout fait en niveaux de gris. Quelle ne fut pas ma surprise en regardant le site sur un écran en couleur d’un autre ordinateur de m’apercevoir qu’il y avait plein de couleurs que je n’avais pas voulu utiliser ! À l’époque, obtenir un rendu cohérent sur tous les navigateurs disponibles était déjà un casse-tête. Mais personne ne vous suivait à la trace, et la malédiction du JavaScript n’avait pas encore frappé.

  3. MacBook Pro 17". Parce qu’il avait un grand écran. Seuls les laptops 17" sont des vrais ordinateurs, voilà. Parce qu’il a été le digne successeur d’un autre Mac Intel aux performances finalement assez moyennes. Parce qu’il a passé des heures et des heures à encoder de la vidéo. Et parce qu’il marche encore aujourd’hui.

  4. Apple //c. Comme déjà dit, heureusement que j’ai démarré avec cette machine, car elle était bien plus simple à programmer que le Mac, qui demandait bien plus de connaissances. C’est elle qui m’a permis de développer mes premières compétences de programmeur, en Basic, Logo puis Assembleur, le seul langage qui offrait des performances vraiment satisfaisantes. Et puis il y avait plein de jeux géniaux. Aztec. Flight Simulator (le paysage était constitué de quelques lignes !) Conan. Lode Runner. Les petits chocs électriques de la prise casque. Que de bons souvenirs.

  5. Le Cube. Enfin, un Mac avec un système d’exploitation moderne ! Achetée en solde, cette machine était loin d’être parfaite. Tout d’abord, le mécanisme d’ouverture était peut-être génial, mais sur le mien il était bloqué. Le disque dur d’origine faisait un boucan incroyable. Il se mettait en veille tout seul à cause de la chaleur. Enfin, avec peu de mémoire, un processeur sous-dimensionné et une carte graphique anémique, il n’était vraiment pas rapide. J’ai résolu chacun de ces problèmes un à un. Le boîtier a été débloqué par un service après-vente qui a complètement rayé l’arrière du Cube. J’ai remplacé le disque dur par un Seagate complètement silencieux. J’ai mis… deux bouts de papier sur l’interrupteur pour le protéger de la chaleur. J’ai remplacé la carte graphique par une Nvidia. J’ai remplacé le processeur d’origine par un accélérateur Sonnet. Enfin, j’ai ajouté de la mémoire vive et une carte AirPort (car à l’époque aucun ordi n’avait le WiFi !) Beaucoup de modifications plus tard, cet ordinateur a été ma machine principale pendant 7 ans et celle qui m’a redonné envie d’utiliser le Mac.

Et les ordinateurs d’Apple que j’ai possédés qui n’ont pas été inclus dans cette liste ? Un Mac Performa 6400. Il marchait bien, mais était moins inspirant qu’un yaourt de marque générique. J’ai aussi zappé la plupart des portables que j’ai possédés ces dernières années : un MacBook Pro 15" Intel première génération qui était un radiateur ambulant, les MacBook Pro 15" qui ont suivi ainsi que le Mac Mini. Des machines aux performances et au confort d’utilisation bien supérieurs aux machines de ma liste, mais qui n’ont pas eu la même importance dans ma vie. J’ai aussi récupéré des iMac et des MacBook Air, mais au final je ne les ai jamais utilisés, et aujourd’hui ils sont dépassés.

Et mon prochain Mac ? Je ne sais pas encore, mais une chose est sûre : il aura un processeur Apple Silicon.